De pilote militaire à expert.
Philippe Julienne, 58 ans, est expert de justice en aéronautique près de la cours d’appel d’Amiens et fondateur d’Airflex Ingénierie.
Philippe Julienne, pensant qu’il fallait faire maths sup/spé pour devenir pilote dans l’armée de l’Air, fait d’abord un détour par le dessin industriel avant de revenir dans le droit chemin à 20 ans. Il choisit la filière transport, après un essai infructueux dans la chasse, car ce qui l’inspire avant tout est de mettre ses compétences au service de personnes qui en ont besoin : acheminement de troupes, matériels, évacuations sanitaires, etc. « Un métier réel et nécessaire. » Durant 26 ans, il volera essentiellement sur CASA CN-235, une expérience qui le mènera à devenir conseiller en sécurité pour l’exploitation de l’appareil dès les années 2000 : en lien avec la Direction générale de l’armement (DGA), Philippe fait les ouvertures de domaines opérationnels de l’avion « pour aller au-delà de ce qu’on sait lui faire faire », à devenir instructeur testeur sur la machine ou encore officier de sécurité des vols de la BA 110 spécialisée dans l’exploitation du CN-235. En tant que militaire, Philippe bénéficie de formations constantes qui ne sont pas forcément reconnues dans le civil. Cela le pousse à valider, grâce à ses acquis professionnels (VAP), un master Communication industrielle et technique qui lui servira à sa sortie de l’armée en 2010, à 46 ans. Il entre alors dans une compagnie d’aviation d’affaires avec pour mission la restructuration de son bureau technique. Cette dernière arrête ses activités en 2012, ce qui pousse Philippe à monter son propre cabinet d’expertise aéronautique, Airflex Ingénierie. Ses clients sont les bureaux techniques, les ateliers de maintenance, les compagnies aériennes… Parmi ses nombreuses missions, Philippe s’est notamment occupé de certifier en Afrique le Transall N°233 et de le mettre en exploitation au sein d’une compagnie cargo. Celle-ci manquant de pilotes, il reprendra avec plaisir les commandes, d’autant qu’il fera par la suite de nombreux voyages humanitaires.
Devenir expert de justice
Son parcours le conduit à être nommé assez rapidement – dès 2014 – expert indépendant de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA). Cette charge renoue avec ses premières aspirations qui l’ont poussé à intégrer l’armée. Philippe se rend à la cour d’appel d’Amiens demander si des expertises aéronautiques les intéressent. Commencent alors des démarches pour être reconnu auprès du Conseil national des experts de justice en aéronautique et espace (CNEJAE). « Cela passe par un questionnement profond, car le rôle de l’expert est d’ouvrir les yeux de la justice sur un monde qu’elle ne connaît pas forcément. Il représente un niveau de garantie absolu : il a donc besoin d’être au plus haut de ses compétences, ce qui implique une constante remise en question. » Philippe est nommé définitivement expert CNEJAE en 2018 après une période probatoire de trois ans : « Cette activité exige d’acquérir un vocabulaire juridique, notamment pour rédiger les rapports. » En règle générale, Philippe est nommé par un juge, il est alors un expert judiciaire sollicité pour donner un avis sur des points techniques précis, mais qui ne s’impose pas. Il intervient sur des litiges de maintenance, d’exploitation, avec des passagers, des pilotes à propos d’un retrait de licence, par exemple… « Les accidents sont heureusement très rares. » De temps à autre, il est désigné par une partie et est alors expert de partie. « Ici, l’expert peut être M. Tout-le-Monde, il n’est pas besoin d’être inscrit sur une liste officielle, mais notre notoriété fait que nous sommes aussi nommés. Du côté de la partie, nous ne sommes plus tenus à la neutralité, même si le but est toujours d’aller à la vérité. » Inscrit sur la liste du CNEJAE durant cinq ans, l’expert a l’obligation de remettre un compte rendu annuel où il détaille ce qu’il a effectué pour rester au sommet de son domaine, comme les formations, ou encore le nombre de rapports déposés dans les temps… « La justice ne peut se satisfaire de retards. »
Ce portrait est extrait du magazine Aviation et Pilote, premier mensuel indépendant français d’information sur l’aviation générale, qui traite également de l’aviation commerciale et de l’aviation d’affaires à travers ses rubriques : 12 numéros par an + 1 hors-série dédié aux formations et métiers de l’aérien. Aviation et Pilote est aussi organisateur du Salon des formations et métiers aéronautiques.